La photographie a ceci de particulier : certaines images, que l’on ne voit pourtant qu’une seule fois, nous restent en mémoire pendant des années. Je passe parfois un temps incroyable à essayer de me rappeler quel photographe a réalisé une image qui me trotte en tête. Voici, pour vous, une courte sélection de dix photographies qui sont de celles qui «restent en tête».
1 -Débarquement des troupes alliées en Normandie – Robert Capa
Avant de voir cette image, il y a de cela plusieurs années, je ne m’était encore jamais aperçu du pouvoir émotif que l’aspect esthétique d’une image «d’information» pouvait avoir. Je parlais de cette série de photos du débarquement de Normandie dans cet article sur la retouches numériques. Encore aujourd’hui, ces émulsions photographiques ayant souffert du mauvais traitement du technicien de laboratoire du magazine Life ont toujours le même impact sur moi. Un heureux hasard qui créa la légende autour du travail de Robert Capa.
J’y ai mis une seule image, celle qui reste dans ma mémoire, mais c’est l’ensemble de l’œuvre de ce photographe qui m’impressionnera toujours : il a une façon bien à lui de livrer une photo épurée, dénuée de tout artifice inutile. L’image est entièrement dédiée au sujet. J’ai eu mon premier contact avec James Nachtwey en regardant le documentaire War Photographer. Je venais à peine de commencer à faire de la photo et, pour moi, un «vrai» appareil était argentique et entièrement manuel. Voir ce que ce photographe réussissait avec le noir et blanc m’a poussé à sortir de chez moi, avec mon Minolta XE-5, et à faire des photos ! Je me suis aussi longtemps demandé : «Pourrais-je avoir le même sang froid que cet homme dans ces conditions de guerre, de destruction et de détresse ?» Ce fut donc mon premier contact avec le photojournalisme.
Bizarrement, c’est l’an dernier que j’ai vraiment saisi la puissance de cette image. Je connaissais déjà Richard Avedon et son travail, mais lorsque j’ai vu cette image au Museum für Fotografie de Berlin que j’ai compris sa puissance, son message qui dépasse le simple portrait. Malgré le flou, n’importe qui peut reconnaître Malcom X par ses traits distinctifs.
Autre photo, même lien thématique que la précédente. Ma professeure d’histoire de la photographie, un cours que j’ai suivi à l’Université, nous avait montré cette photo de Yousuf Karsh en nous demandant: «Quel est le sujet de ce portrait ?» La réponse était assez simple : la musique de Casals, et non le violoncelliste lui-même. Il faut dire que les deux sont indissociables, mais tout dans l’image tend à amplifier, à nous faire «entendre» la musique : le mur en pierres, arrondi, l’espace intime et la lumière dirigée. Un moment intime, un concert pour lui-même, c’est en quelque sorte une photo de l’homme en musicien.
J’ai pris connaissance du travail de Benoit Aquin lors d’un atelier que j’ai suivi à Montréal et qui était offert conjointement par Jacques Nadeau, photographe du Devoir, et Aquin sur plusieurs semaines. Il venait de terminer cette série sur le Dust Bowl chinois et nous montrait, l’une après l’autre, des impressions 13 x 19 pouces de son travail. Cette image m’a marquée et elle sert souvent (avec raison) à illustrer ce reportage du photographe qui remporta le prix Pictet en 2008. Pour l’anecdote, une phrase de Aquin m’avait frappée lors de l’atelier (et me revient en tête bien souvent). Il nous avait avoué avoir déjà fait une photo de Paul Martin, alors Premier ministre, avec un appareil Polaroid au milieu de ses confrères aux appareils réflex. Il nous avait alors dit: «Tu PEUX prendre une photo du PM au Polaroid, mais il faut alors que tu t’assumes complètement !» Pensez-y !
La première phrase qui m’est venue à l’esprit en voyant cette photo de Abelardo Morell: «Fallait y penser !» C’est la base de la photographie même, la camera obscura, qui donne une identité à une chambre d’hôtel anonyme, qui fait entrer la ville dans l’espace intérieur. Toute l’information est là : nous savons où nous sommes et dans quel contexte. Comme quoi la photographie n’est jamais que ce qui est perceptible de prime abord et qu’un petit coup de pouce du photographe peut donner de grandes choses !
Pour apprécier le travail des frères Sanchez, il faut le voir accroché à un mur. C’est plus que vrai. Dans mon cas, j’ai vu plusieurs de leurs photographies lors du Mois de la photo à Montréal. Les impressions sont gigantesques, prennent tout l’espace visuel. Le spectateur est vraiment intégré à l’univers cinématographique de l’image. Ce qui me touche particulière de leur travail c’est ce moment particulier qu’ils nous donnent à voir, un temps suspendu, un point pivot dans la vie des personnages.
Cette photo, Nan Goldin l’a prise d’elle-même pour montrer les conséquences des coups de son petit ami de l’époque. Ce n’est pas sa «meilleure» photo, mais celle qui montre le mieux son attitude face au médium, ce qu’il peut véhiculer comme message et la puissance qu’il peut avoir. Son travail s’inscrit dans une vague artistique new-yorkaise bien particulière où les sujets du sexe, de la drogue et la violence nous montrent beaucoup de ces «auto-destructions». Ces artistes nous montraient aussi beaucoup les conséquences du SIDA (qui en était à ces débuts dévastateurs) dont personne ne voulait vraiment entendre parler puisque qualifié de maladie de dépravés. Une œuvre poignante et puissante que cette image représente bien, selon moi.
9- Derrière la gare Saint-Lazare – Henri Cartier-Bresson
J’ai essayé de l’éviter, mais c’est impossible : on revient toujours à cette image de Henri Cartier-Bresson. Cette photo, même ses imperfections la rendent «parfaite», si cela est possible. C’est l’exemple même de l’esprit du photographe, de ce célèbre «moment décisif». C’est aussi l’image que les gens ont souvent en tête en pensant à HCB.
Cette photo du photographe de New York, Platon, fait partie d’une série sur les politiciens qui, à ce que je sache, se continue toujours. J’ai croisé cette image du regard lors du World Press Photo 2007 et elle ne m’a pas quitté depuis : le regard froid mais autoritaire, le fond judicieusement choisi : ce portrait représente excessivement bien ce qu’est Vladimir Putin. Pas étonnant que Platon est remporté le premier prix dans la catégorie portrait cette année-là au WPP !
Et vous, quelles sont ces photos qui vous restent en tête ?
NB: Toutes ces photos sont protégées par des droits d’auteurs. Si l’auteur, ou l’un de ses représentants, se voyait offensé par la publication de cette image sur ce site web, il lui suffira d’en informer l’équipe de Infocale afin que ceux-ci retire l’image en question.
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10 photos qui ont changé ma vie (de photographe)
10 photos qui ont changé ma vie (de photographe)
Par Sébastien Lavallée
La photographie a ceci de particulier : certaines images, que l’on ne voit pourtant qu’une seule fois, nous restent en mémoire pendant des années. Je passe parfois un temps incroyable à essayer de me rappeler quel photographe a réalisé une image qui me trotte en tête. Voici, pour vous, une courte sélection de dix photographies qui sont de celles qui «restent en tête».
1 -Débarquement des troupes alliées en Normandie – Robert Capa
Avant de voir cette image, il y a de cela plusieurs années, je ne m’était encore jamais aperçu du pouvoir émotif que l’aspect esthétique d’une image «d’information» pouvait avoir. Je parlais de cette série de photos du débarquement de Normandie dans cet article sur la retouches numériques. Encore aujourd’hui, ces émulsions photographiques ayant souffert du mauvais traitement du technicien de laboratoire du magazine Life ont toujours le même impact sur moi. Un heureux hasard qui créa la légende autour du travail de Robert Capa.
American soldier landing on Omaha Beach, D-day, June 1944 (© Cornell Capa) Source: www.pixfan.com
2- James Nachtwey
J’y ai mis une seule image, celle qui reste dans ma mémoire, mais c’est l’ensemble de l’œuvre de ce photographe qui m’impressionnera toujours : il a une façon bien à lui de livrer une photo épurée, dénuée de tout artifice inutile. L’image est entièrement dédiée au sujet. J’ai eu mon premier contact avec James Nachtwey en regardant le documentaire War Photographer. Je venais à peine de commencer à faire de la photo et, pour moi, un «vrai» appareil était argentique et entièrement manuel. Voir ce que ce photographe réussissait avec le noir et blanc m’a poussé à sortir de chez moi, avec mon Minolta XE-5, et à faire des photos ! Je me suis aussi longtemps demandé : «Pourrais-je avoir le même sang froid que cet homme dans ces conditions de guerre, de destruction et de détresse ?» Ce fut donc mon premier contact avec le photojournalisme.
Chechnya, 1996 , Ruins of central Grozny – James Nachtwey (© James Nachtwey)
3- Malcom X – Richard Avedon
Bizarrement, c’est l’an dernier que j’ai vraiment saisi la puissance de cette image. Je connaissais déjà Richard Avedon et son travail, mais lorsque j’ai vu cette image au Museum für Fotografie de Berlin que j’ai compris sa puissance, son message qui dépasse le simple portrait. Malgré le flou, n’importe qui peut reconnaître Malcom X par ses traits distinctifs.
Malcolm X, Black Nationalist leader, New York – Richard Avedon (© Richard Avedon) Source: www.moma.org
4-Pablo Casals – Yousuf Karsh
Autre photo, même lien thématique que la précédente. Ma professeure d’histoire de la photographie, un cours que j’ai suivi à l’Université, nous avait montré cette photo de Yousuf Karsh en nous demandant: «Quel est le sujet de ce portrait ?» La réponse était assez simple : la musique de Casals, et non le violoncelliste lui-même. Il faut dire que les deux sont indissociables, mais tout dans l’image tend à amplifier, à nous faire «entendre» la musique : le mur en pierres, arrondi, l’espace intime et la lumière dirigée. Un moment intime, un concert pour lui-même, c’est en quelque sorte une photo de l’homme en musicien.
Pablo Casals, 1954 – Yousuf Karsh (© Yousuf Karsh) Source: haynesgalleries.com
5 – Dust Bowl chinois – Benoit Aquin
J’ai pris connaissance du travail de Benoit Aquin lors d’un atelier que j’ai suivi à Montréal et qui était offert conjointement par Jacques Nadeau, photographe du Devoir, et Aquin sur plusieurs semaines. Il venait de terminer cette série sur le Dust Bowl chinois et nous montrait, l’une après l’autre, des impressions 13 x 19 pouces de son travail. Cette image m’a marquée et elle sert souvent (avec raison) à illustrer ce reportage du photographe qui remporta le prix Pictet en 2008. Pour l’anecdote, une phrase de Aquin m’avait frappée lors de l’atelier (et me revient en tête bien souvent). Il nous avait avoué avoir déjà fait une photo de Paul Martin, alors Premier ministre, avec un appareil Polaroid au milieu de ses confrères aux appareils réflex. Il nous avait alors dit: «Tu PEUX prendre une photo du PM au Polaroid, mais il faut alors que tu t’assumes complètement !» Pensez-y !
Dust Bowl chinois – Benoit Aquin (Prix Pictet 2008, © Benoit Aquin) Source: relationsmedia.photographie.com
6- Times Square – Abelardo Morell
La première phrase qui m’est venue à l’esprit en voyant cette photo de Abelardo Morell: «Fallait y penser !» C’est la base de la photographie même, la camera obscura, qui donne une identité à une chambre d’hôtel anonyme, qui fait entrer la ville dans l’espace intérieur. Toute l’information est là : nous savons où nous sommes et dans quel contexte. Comme quoi la photographie n’est jamais que ce qui est perceptible de prime abord et qu’un petit coup de pouce du photographe peut donner de grandes choses !
Times Square in Hotel Room, 1997 – Abelardo Morell (© Abelardo Morell) Source: www.abelardomorell.net
7 – Masked – Carlos et Jason Sanchez
Pour apprécier le travail des frères Sanchez, il faut le voir accroché à un mur. C’est plus que vrai. Dans mon cas, j’ai vu plusieurs de leurs photographies lors du Mois de la photo à Montréal. Les impressions sont gigantesques, prennent tout l’espace visuel. Le spectateur est vraiment intégré à l’univers cinématographique de l’image. Ce qui me touche particulière de leur travail c’est ce moment particulier qu’ils nous donnent à voir, un temps suspendu, un point pivot dans la vie des personnages.
Masked – Carlos et Jason Sanchez, 2007 (© Carlos et Jason Sanchez) Source: www.thesanchezbrothers.com
8- All by myself (série) – Nan Goldin
Cette photo, Nan Goldin l’a prise d’elle-même pour montrer les conséquences des coups de son petit ami de l’époque. Ce n’est pas sa «meilleure» photo, mais celle qui montre le mieux son attitude face au médium, ce qu’il peut véhiculer comme message et la puissance qu’il peut avoir. Son travail s’inscrit dans une vague artistique new-yorkaise bien particulière où les sujets du sexe, de la drogue et la violence nous montrent beaucoup de ces «auto-destructions». Ces artistes nous montraient aussi beaucoup les conséquences du SIDA (qui en était à ces débuts dévastateurs) dont personne ne voulait vraiment entendre parler puisque qualifié de maladie de dépravés. Une œuvre poignante et puissante que cette image représente bien, selon moi.
All by myself (série) – Nan Goldin (© Nan Goldin) Source: apphtonum.free.fr
9- Derrière la gare Saint-Lazare – Henri Cartier-Bresson
J’ai essayé de l’éviter, mais c’est impossible : on revient toujours à cette image de Henri Cartier-Bresson. Cette photo, même ses imperfections la rendent «parfaite», si cela est possible. C’est l’exemple même de l’esprit du photographe, de ce célèbre «moment décisif». C’est aussi l’image que les gens ont souvent en tête en pensant à HCB.
Derrière la gare Saint-Lazare – Henri Cartier-Bresson (© Henri Cartier-Bresson) Source: www.henricartierbresson.org
10- Vladimir Putin – Platon
Cette photo du photographe de New York, Platon, fait partie d’une série sur les politiciens qui, à ce que je sache, se continue toujours. J’ai croisé cette image du regard lors du World Press Photo 2007 et elle ne m’a pas quitté depuis : le regard froid mais autoritaire, le fond judicieusement choisi : ce portrait représente excessivement bien ce qu’est Vladimir Putin. Pas étonnant que Platon est remporté le premier prix dans la catégorie portrait cette année-là au WPP !
Vladimir Putin, President of the Russian Federation – Platon (© Platon) Source: www.worldpressphoto.org
Et vous, quelles sont ces photos qui vous restent en tête ?
NB: Toutes ces photos sont protégées par des droits d’auteurs. Si l’auteur, ou l’un de ses représentants, se voyait offensé par la publication de cette image sur ce site web, il lui suffira d’en informer l’équipe de Infocale afin que ceux-ci retire l’image en question.
Comments on This Post
Robert GravelAuthor
Très bien cet article :)
Sébastien LavalléeAuthor
Merci bien Robert et merci aussi pour ta visite !
Tweets that mention 10 photos qui ont changé ma vie (de photographe) | -- Topsy.comAuthor
[…] This post was mentioned on Twitter by Vincent White, Nadine Mercure, Johanne Raymond, Johanne Raymond, Claude Brazeau and others. Claude Brazeau said: RT @infocale: 10 photos qui ont changé ma vie (de photographe), par Sébastien Lavallée http://fb.me/FjpQtTqI […]
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